Voilà désormais quatre mois que je suis parti.
Il y aurait bien des choses à raconter. Je suis arrivé hier à Lézat-sur-Lèze, un village dans l’Ariège. Il pourrait avoir l’air charmant s’il faisait beau, et un peu chaud. Malheureusement, cette année est catastrophique et je suis sous l’eau depuis 3 mois. Alors comme tout le monde, me direz-vous. Oui, certes. Mais j’ai tout de même le sentiment qu’en circulant dans le sens des nuages j’augmente la probabilité de toujours en avoir au-dessus de moi.
Bref, en quatre mois, j’en ai vu des maisons de santé.
C’est la huitième étape. Et je voudrai vous parler de la convivialité. Certains y sont peut-être insensibles, certains ne sont pas contre, sans pour autant la considérer nécessaire, certains enfin, dont je fais partie, y sont radicalement attachés. Ce qui est marrant, avec la convivialité, c’est que ça parait inutile. On se dit que c’est, tout au plus, la cerise sur le gâteau. Un élément superficiel de décoration. Un « tant mieux » tout au plus. Et bien je pense, moi, que c’est fondamental. Qu’il s’agisse d’une maison de santé, d’une entreprise quelconque, ou même d’une maison familiale, s’il n’y a pas de convivialité, on devient nécessairement triste, aigri, et malheureux. Oui, je n’ai pas peur des mots.
Mais qu’est-ce que la convivialité ? C’est un truc tout bête.
C’est, je crois, le plaisir de partager, avec d’autres, des moments de pure humanité. C’est-à-dire des moments dans lesquels on fait le choix d’ajouter du facultatif inutile à l’obligatoire nécessité.
Par exemple, une réunion dont l’objet est la rédaction d’un protocole « Morsure de chien » n’oblige en rien la présence d’une boite de chocolat et d’un bon café. Mais parce que ce n’est pas essentiel, c’est un témoignage d’amour. Oui. D’amour. Pas de trouble alimentaire (quoique, parfois, ça puisse devenir litigieux), mais bien d’amour. Car quelqu’un s’est dit « je vais prendre une boite de chocolat, parce que ça leur fera plaisir ». C’est donc bien de l’amour. Et nous sommes tous sensibles à l’amour, car c’est sans doute les sentiments le plus propre à notre espèce.
Là où tout le monde pensait s’ennuyer gravement dans une réunion pénible, un rayon de soleil vient illuminer la table et ceux qui sont autour. Non, nous ne sommes pas simplement là à subir, mais nous partageons un moment d’amour librement choisi.
Je ne supporte pas l’idée de travailler dans un environnement neutre ou hostile.
J’ai besoin de ce lien, de cet amour pudique. Parce qu’il rend le quotidien tellement plus joyeux.
Encore faut-il savoir la créer, cette convivialité.
Et une des choses dont je me suis rendu compte pendant mon tour de France (ce n’est pas la seule, rassurez-vous), c’est qu’il suffit d’un rien. Il suffit que la salle de réunion soit disposée entre les bureaux et le secrétariat, par exemple. Ainsi, les nombreux allers-retours génèrent automatiquement des moments informels. Il suffit d’une belle cafetière collective, pour que cette salle devienne l’épicentre des moments de partage. Si, à l’inverse, la salle de pause est au deuxième étage, et qu’il n’y a pas de cafetière, alors c’est le black-out, tout simplement, les gens ne se rencontrent pas. Ce qui, en soit, n’est pas fondamental, mais tellement essentiel dans une aventure collective. Faire des maisons de santé sans en imaginer et y favoriser les lieux de rencontre est une faute grave. A mon avis.